En 2021, Laure Coanus devenait la première arbitre formée en AuRA à évoluer à l’international. Des terrains de Cognin-la-Motte à sa rencontre avec Diana Taurasi, elle a mis plusieurs années avant de concrétiser son rêve.
La Savoyarde n’était pas destinée à devenir arbitre. Elle voulait juste jouer au basket. Mais une blessure l’éloignant des terrains durant de nombreux mois a bousculé ses plans initiaux. À 17 ans, après une formation avec le comité de Savoie, Laure Coanus était de retour sur les parquets, en tant que joueuse, mais aussi en tant qu’arbitre.
Dix ans plus tard, la résidente d’Annecy a fait un long chemin, passant d’arbitre départemental à la LFB, avec quelques années en Pro A.
« Tout le monde voyait en moi un fort potentiel »
Dès ses débuts dans l’arbitrage, elle prouve son sens aiguisé pour la compréhension du jeu, comme le précise Grégory Morata, l’un de ses formateurs au pôle espoirs des Alpes de 2008 à 2010 : » Laure était très attentive à la compréhension des situations de jeu. Elle s’est toujours questionnée sur sa progression, et était très exigeante avec elle-même. »
Il poursuit : « Selon moi, rien ne la prédestinait à devenir une arbitre. Cependant, Laure a une personnalité qui correspond parfaitement avec le monde de l’arbitrage : organisée, réfléchie ou encore curieuse. »
« Tout le monde voyait en moi un fort potentiel, notamment par le fait que j’ai joué en championnat de France et été formée en pôle espoir. Ce parcours m’a aidé à la compréhension du basket et à prendre rapidement les bons coups de sifflets. »
Laure Coanus Tweet
À peine sept ans lui auront suffi pour gravir les échelons et atteindre la Pro A. Grégory Morata a pu observer et être témoin de cette évolution : » Je constate qu’elle progresse saison après saison sur son body language et sur son relationnel avec les joueurs et les coachs. »
Une ascension éclaire qui a atteint ses limites. Après trois années en Pro A, Laure Coanus n’est pas parvenue à confirmer par manque d’expérience. « En Pro A, je n’ai pas trouvé la bonne tonalité dans la prise des coups de sifflets. Parfois, je sifflais trop, parfois pas assez. L’objectif est d’y retourner après une ou deux saisons en tant que première arbitre en Pro B et LFB, mais une saison serait l’idéal (rire). »
Un avis que partage son ancien formateur : « Laure a encore une belle marge de progression. C’est l’expérience et la gestion des situations problématiques qui lui permettront de devenir une arbitre de très haut niveau. Laure est savoyarde, avec un caractère affirmé. Elle possède aussi beaucoup d’humilité qui est une valeur alpine importante pour ce métier. »
À ce sujet, Laure Coanus fait ses preuves en LFB, comme le souligne Laëtitia Guapo : « Elle a réussi à se faire un nom en LFB, et à présent, elle fait partie des arbitres établies dans la Ligue selon moi. C’est vraiment plaisant de voir des arbitres féminines être mise à l’honneur. Cela prouve l’avancée du sport féminin ! »
De la FFBB à la FIBA
En parallèle de sa formation d’arbitre national, l’Annécienne de 27 ans intègre le quorum On The Road to FIBA lors de son arrivée en LFB et NM1. Durant plusieurs années, elle est suivie par un coach et un tuteur afin d’obtenir des retours sur son arbitrage et renforcer son niveau d’anglais.
En 2018, l’occasion d’arbitrer un match international féminin se présente enfin, lors d’une confrontation entre les États-Unis et le Canada pour la préparation à la Coupe du Monde. À la tête de Team USA, une légende du jeu, Diana Taurasi, mène les actions américaines. Une rencontre qui restera à jamais l’un de ses plus beaux souvenirs.
En 2021, c’est l’année de la consécration pour Laure Coanus qui intègre officiellement la liste des arbitres FIBA, devenant la première arbitre formée en AuRA à évoluer à l’international. « C’est toujours une fierté d’être la première femme d’un groupe de personnes qui accède à un niveau. Mais ça ne s’arrête pas là. Le plus dur, c’est d’y rester. C’est comme lors d’un sprint, le plus compliqué, ce n’est pas d’atteindre la vitesse de pointe, mais c’est de la garder jusqu’à la ligne d’arrivée. », confie-t-elle.
Pour Laure, cette sélection est un symbole de fierté : « lorsque l’on entend les hymnes des pays avant le match, on ressent toujours quelque chose. On se dit que cette fois, je ne suis pas derrière la TV, mais sur le terrain. Je suis fière de représenter la France. Certes, nous ne sommes pas joueurs, mais nous sommes quand même arbitre français. Nous représentons donc notre pays. Et j’ai à cœur de le faire du mieux que je peux à chaque fois. »
À présent, l’objectif est clair pour Laure, celui d’arbitrer une finale de Coupe du Monde ou des Jeux Olympiques dans les années à venir.
La vie d’arbitre
Être arbitre, c’est être irréprochable, juste, mais aussi humain. C’est savoir composer avec la gestion des émotions ainsi que celle du spectacle, sans oublier le règlement. Un équilibre qui n’est pas simple à trouver sur le terrain. Ainsi, l’arbitrage va au-delà de l’application stricte des règles.
« Aujourd’hui, ce qui fait la différence entre un arbitre de haut niveau et un de très haut niveau, ce n’est pas seulement la qualité du jugement, mais c’est aussi la capacité à gérer les acteurs. Ce sont des choses que l’on apprend directement sur le terrain et avec l’expérience. », explique-t-elle. « On est sans cesse en train de se questionner pour savoir si on a pris la meilleure décision. Parfois, on va même ne pas appliquer le règlement avec rigueur pour le bien du match. Par exemple, on va éviter de mettre une faute technique à un joueur qui conteste notre décision (sans que cela soit trop excessif) en fin de rencontre, car cela pourrait sceller le sort du match. »
La gestion de l’erreur est ainsi un point central dans la vie des arbitres, et chacun trouve des moyens pour y parvenir.
« J’évite tout d’abord d’y repenser. J’essaie de me focaliser sur l’action suivante. Il faut toujours être dans le moment présent, et ne plus penser à ce qui s’est passé. Car sinon, c’est le scénario du match catastrophique, où l’on enchaîne boulette sur boulette.
J’ai appris à accepter mes erreurs. J’étais hyper intransigeante avec moi-même, et je pense que cela vient de ma formation au pôle espoir avec Greg Morata (rire). On allait toujours vers l’excellence. Par conséquent, j’ai toujours voulu être excellente. Cependant, on ne peut jamais l’être. On fait toujours des erreurs, et si on ne l’accepte pas, c’est compliqué d’arbitrer librement. Le principal, c’est de ne pas reproduire les erreurs durant le match et lors des rencontres suivantes. »
"Tout cela, je l’ai appris avec une psychologue du sport. Avec un tel niveau d’exigence demandé, j’avais besoin d’une aide extérieure comme une sportive de haut niveau. L’appel à un tiers, c’est quelque chose qui devient de plus en plus courant parmi les arbitres. »
Laure Coanus Tweet
Dans cette équation difficile s’ajoute un autre paramètre pour Laure, sa jeunesse :
« Parfois, je ressens cette différence d’âge. Les coachs ou les joueurs nous testent et contestent un peu plus nos décisions. S’ils nous interpellent, il faut répondre directement, et ne pas les ignorer. », précise-t-elle. « C’est vrai, cela peut être intimident. Lorsque Céline Dumerc vient contester ta décision, on peut se poser des questions. Mais les étoiles dans les yeux disparaissent rapidement, et toutes deviennent des joueuses comme les autres. »
Le métier d’arbitre n’est pas chose aisé, et doit faire face à beaucoup de facteurs. Dans chaque sport, son rôle est essentiel, parfois même décisif pour l’histoire d’un joueur, d’une joueuse, d’un club ou d’un pays.
« Il ne faut pas avoir peur de prendre le premier coup de sifflet. On voit souvent les jeunes arbitres hésiter. Même si c’est une erreur, il faut prendre ce coup de sifflet et oser prendre des décisions. C’est ça le plus important. Par ailleurs, cela permet de développer des compétences comme de l’assurance et de la confiance en soi, insoupçonnées chez certaines personnes. », conseille Laure pour la future génération d’arbitre.
Credits : Laurent Peigue | Tea OffBB Photographers x Christophe Canet | Tea OffBB Photographers