Nous sommes allés à la rencontre de Richard Gaudin, joueur pendant plusieurs années dans le Lyonnais, qui aujourd’hui est licencié dans le Basket Club M’tsapéré qui évolue dans le championnat mahorais. Suite à une mutation professionnelle à Mayotte, ce joueur de 34 ans nous raconte son parcours et notamment ses expériences vécues sur ce territoire d’outre-mer.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Richard Gaudin, j’ai 34 ans. Infirmier de profession, je travaille à l’hôpital et notamment au SAMU, à Mayotte, une petite île qui est le 101ème département français dans l’Océan Indien, situé entre l’Afrique de l’Est et l’île de Madagascar.
Vous avez pratiqué dans le Lyonnais pendant plusieurs années. Quels ont été les clubs dans lesquels vous avez évolué ?

J’ai commencé le basket en 1993 juste après les Jeux Olympiques de Barcelone, j’ai été séduit par la Dream Team. Je n’étais pas du tout du basket même si ma mère était joueuse puis entraîneur. J’ai commencé le basket un peu tard à 13 ans et j’ai poursuivi jusqu’à maintenant, avec seulement 2 années d’arrêt.
J’ai commencé au club de Saint Louis Fontaines, à Fontaines-sur-Saône où j’ai fait une grande partie de ma carrière. J’ai débuté en minimes puis j’ai joué jusqu’en séniors où j’ai évolué au niveau région ; à l’époque ça s’appelait la Promotion d’Excellence Régionale qui est l’équivalent aujourd’hui de la R1. Je suis ensuite parti à la CRO (ndlr : Basket CRO Lyon) en R2 puis Bron BC en N2 pendant deux saisons. Je suis retourné à la CRO où j’ai joué en N3 et R2 puis de nouveau à Fontaines en R1; ensuite Genas où nous sommes montés en R1 et enfin Chassieu où nous sommes aussi montés en R1.
Suite à une mutation professionnelle, vous avez déménagé à Mayotte où vous avez continué le basket.
Je joue au sein de la Ligue Régionale du Basket de Mayotte mais qui n’a pas franchement de représentation régionale puisque c’est à l’échelle d’un département. L’île est toute petite mais il y a beaucoup de clubs, une grosse culture basket. Historiquement c’est le sport numéro 1 ici avec le football. À titre d’exemple certains matchs de basket passent à la radio, même à la télé. La coupe de Mayotte est très connue, il y a un championnat qui regroupe 12 équipes. Celle dans laquelle je joue, le Basket Club M’tsapéré, évolue en R1, le plus haut niveau de Mayotte.
Mayotte, c’est beaucoup de terrains en extérieur pour la pratique. Il y a seulement un gymnase par île réservé à une équipe, donc deux gymnases au total (ndlr : Mayotte se compose de deux îles, la Petite-Terre et la Grande-Terre). J’ai la chance de faire partie d’une de ces deux équipes qui a le droit au gymnase une fois par semaine sur la Grande-Terre, sinon toutes les équipes de l’île jouent dehors quelles que soient les conditions climatiques, ce qui est assez déstabilisant puisque c’est un environnement playground pour du niveau R1/N3, il y a un petit décalage.
Votre club s’est qualifié à la coupe d’Afrique des clubs champions de Basketball. Pouvez-vous nous parler de cette compétition ?
C’est l’équivalent de l’Euroleague mais pour l’Afrique, qui réunit les meilleurs clubs professionnels du continent sur un tournoi qualificatif. Les représentants de zone géographique se déplaçaient cette année en Tunisie, à Tunis même, pour une période de 12 jours du 10 au 22 décembre 2014.
Nous avons été qualifiés avec mon club après avoir gagné la coupe de Mayotte. En fait, suite à cette victoire, on a été envoyés aux Seychelles pour la Coupe d’Océanie. On y a rencontré les Seychelles, l’île Maurice, Madagascar et la Réunion et on a remporté la coupe qui donnait un accès qualificatif à la coupe d’Afrique des clubs champions de Basketball.

C’était la première fois que le Basket Club M’tsapéré accédait à ce tournoi, et pour partir il fallait avoir une logistique professionnelle, en tout cas au niveau économique. Il a fallu réunir énormément de fonds rapidement pour donner une réponse à la FIBA. Beaucoup de clubs ayant remporté la coupe d’Océanie n’y sont pas allé parce qu’ils n’avaient pas les moyens de se déplacer. C’est le Conseil Général qui a financé une grande partie du budget et nous a permis d’aller en Tunisie.
Comment s’est déroulée la compétition ?
Nous ne connaissions pas nos adversaires avant d’arriver sur place. Nous avons plus une culture NBA et basket européen mais pas du tout africaine. On a été surpris d’apprendre, une fois sur place, qu’il y avait plusieurs américains et notamment Marcus Haisilp, ancien joueur des Spurs, considéré comme un mercenaire depuis la fin de sa carrière NBA.
Ce qui est énorme c’est que nous avons joué le match d’ouverture, match télévisé, en affrontant le club organisateur : le Club Africain de Tunis. Tous les matchs étaient diffusés à la TV mais celui-ci avait un impact encore plus important étant donné qu’il concernait un club tunisien. Le match était diffusé de partout !
On a pris une sacrée défaite (ndlr : 126-45), nous étions paralysés par l’enjeu, fatigués du voyage avec les américains Marcus Haisilp et James Justice en face de nous. Nous avons connu une entrée dans la compétition assez compliquée… En plus il nous manquait deux joueurs majeurs, deux internationaux suisses dont l’ancien capitaine de la sélection qui était en année sabbatique à Mayotte.
Je joue deuxième arrière depuis toujours mais j’ai joué deuxième meneur à la coupe d’Afrique des clubs champions. Je me suis plié aux choix du coach. J’ai beaucoup appris offensivement à la mène et défensivement j’ai donné ce que j’ai pu. Le reste de la compétition s’est déroulée comme nous le souhaitions même si nous n’avons pas eu de victoire au bout. On a souvent couru après le score mais les écarts de points lors de matchs suivants, entre 10 et 20, montraient bien que ce premier match était un accident de parcours. Pour un club amateur nous avons fait bonne figure d’autant que les autres équipes étaient toutes professionnelles avec une véritable logistique autour de leur venue.
Il y avait deux groupes de 6 équipes où les 4 premiers de chaque groupe étaient qualifiés pour les quarts de finale. Nous avons connu un concours de circonstances assez exceptionnel puisqu’une équipe n’est pas venue à la compétition tandis que le club de Guinée Equatoriale a été disqualifié après avoir triché au niveau de leurs licences. On se retrouve donc dans le top 8 continental sans avoir gagné une seule rencontre ! Incroyable pour une équipe comme la nôtre. C’est d’autant plus original que les mahorais ne sont pas très grands, nous avions une équipe qui avoisinait le mètre 83 tandis que les autres comptaient au moins 8 à 9 double mètres dans leur effectif. L’engagement physique était donc assez déséquilibré comme vous pouvez l’imaginer (rires).
Que retenez-vous de cette expérience ?
Cette aventure sportive a été exceptionnelle, pouvoir se confronter à des clubs professionnels, dormir, manger, se lever et ne penser qu’au basket c’est fabuleux. Quand on est petit on ne rêve que de ça ! Tout le monde était aux petits soins pour nous. Les salles étaient combles, les journalistes étaient de partout, les caméras aussi. Lorsque l’on rentrait à l’hôtel on voyait les highlights des matchs sur la première chaine de Tunisie et donc nous nous voyions jouer… même si avec toutes ces défaites on ne nous a pas vu souvent (rires). C’était énorme !
Au niveau humain, ça a beaucoup rapproché le groupe. Le voyage a été extrêmement long, de Mayotte jusqu’à Tunis en passant par Paris soit 24h de voyage… Je me suis vraiment rapproché de mon coéquipier qui logeait dans la même chambre que moi. Nous n’avions pas spécialement d’amitié au départ mais nous avons appris à nous connaitre puisqu’entre les matchs nous n’avions rien d’autre à faire que d’attendre le match suivant.
Le niveau de basket pratiqué à Mayotte est-il identique à celui du Lyonnais ?
J’ai toujours dit que le niveau du Lyonnais était plus élevé que ceux des autres régions. J’ai beaucoup voyagé, j’ai joué sur des playgrounds du monde entier, j’ai un frère qui joue au Mali, des amis qui jouent en Australie et je vous confirme que le niveau du Lyonnais est vraiment bon.
En arrivant à Mayotte j’ai pu tout de suite comparer les niveaux. Je dirais qu’ici ça équivaut à du niveau R1/N3 dans le Lyonnais, avec des joueurs qui sortent du lot, qui sont soit très jeunes (et qu’il faudrait venir chercher !) soit plutôt anciens. J’en profite pour faire un hommage à mon capitaine d’équipe Aboubakar qui a 33 ans, qui a fait toute sa carrière dans le même club et qui est le meneur numéro 1.
En tout cas il y a un fort niveau physique ici. Les encadrants mahorais, même s’ils sont diplômés, ont peu d’expérience, ce qui est une vraie limite. Ils font ce qu’ils peuvent avec les moyens du bord. Je dirais donc qu’au niveau technique, basket pur c’est en-dessous du Lyonnais, en revanche sur le physique c’est incomparable. La vitesse de jeu ici est très élevée, le travail défensif et la multiplication des courses sont les points forts des joueurs mahorais. Ils sont très explosifs, ça drive énormément. C’est quelque chose que l’on voit moins dans le Lyonnais.
Parcours du club de Richard Gaudin à la Coupe d’Afrique des clubs champions de Basketball :
Groupe A :
Club africain (Tunisie) 126 – 45 Basket Club M’tsapéré
Basket Club M’tsapéré 56-89 Recreativo do Libolo (Angola)
Sporting Club d’Alexandrie (Egypte) 75-62 Basket Club M’tsapéré
Malabo Kings (Guinée Equatoriale) 65-53 Basket Club M’tsapéré
¼ finales :
Étoile sportive de Radès (Tunisie) 106 – 76 Basket Club M’tsapéré
Tour de classement :
Basket Club M’tsapéré 65 – 97 US Monastir (Tunisie)
7ème place :
AS Mazembe (Congo) 82 – 67 Basket Club M’tsapéré
